Naufrage dans les eaux Morbihannaise

Envoi de Ded le 25 Décembre 2002 au site du CD 56: (http://perso.wanadoo.fr/cdasm.56/)

Comme tout plongeur, l'imagination est très fertile lorsque l'on plonge sur une épave.
Et pour essayer de retrouver la véracité de ces naufrages, je me suis mis à dépouiller les archives de Nantes ( et parfois Toulon, Rochefort, Lorient, Shom à Brest ) et cela dure depuis quelques années et avec l'aide de mon ami Alain F. qui lui fait des recherches depuis encore plus longtemps; nous nous complétons.
Et celles ci, prennent parfois des années.
En voici une toute fraîche, terminée en date du 20/12/2002 ( peut être un peu longue et encore est-elle terminée?).
Mon attention a été attirée il y a 2 mois par un nom sur le site du CD 56 ( très bon site ), il s'agissait du naufrage du Standford ex Sételdal. Hors j'avais dans mes fiches un nom de même résonance : le Sedestal.


Un télégramme expédié le 3 septembre 1916 du Palais à Nantes disant :


"Le vapeur norvégien "Sedestal" de Christiansand de 882 tonnes chargé de charbon venant de Newport allant à Nantes a été abordé à 4h15 à 12 milles N.O. des Poulains par le vapeur anglais "Wolston". Le "Sedestal" a coulé à 8h20 à 3 milles N.O. des Poulains. Le capitaine est mort et disparu avec son navire qu'il refusa de quitter, l'équipage a été sauvé en entier, 8 hommes sont arrivés à Palais dans leur embarcation, les 9 autres ont été accueillis par le vapeur abordeur qui se dirige sur Saint-Nazaire. Prière de prévenir consul Norvège de Saint-Nazaire, de télégraphier des ordres pour les 8 marins se trouvant à Belle-Île".
Je me suis donc remis à l'ouvrage sur ce dossier, en voici le résultat.


Naufrage en mer Morbihannaise : Collision entre le Setestal et le Woolston


Le capitaine Planck commandant du vapeur anglais Woolston de Londres, de 1902 tonnes Register, est parti de New York le 15 août 1916 à 7.30 am par un temps clair avec un plein et entier chargement d'avoine et acier le tout en bonne condition et parfaitement arrimé, ses panneaux étant parfaitement clos, les pompes franches et son navire en parfait état de navigabilité. Il prit la mer et fait route sur Brest, son port de destination d'où il a été dirigé sur Nantes, car le port de Brest étant très embarrassé.
(Je laisse parler le Capitaine L.D. Planck).
Pendant la traversée j'ai eu très beau temps sauf les jours qui suivent: 22 août pluie et mer mouvementée, 4 pm pluie et les lames balayent les ponts, 23 août le navire roule et tangue, embarquant beaucoup d'eau. 24 août même temps. 25 août même temps, les bâches sont enlevées de sur les panneaux. L'équipage les replace. 26. 27 pluie, grand vent et haute mer. 28.29.30.et 31 très mauvais temps, grosse mer et grand vent le navire embarque beaucoup d'eau et les lames balayent les ponts. Le 31 à 3h45 pm arrêté par le "patrol boat" 4.5pm continué la route 4.20 reçu les pilotes à bord et arrivé à Brest à 6.50.
Le 1er septembre le navire attend toujours des ordres. Le drapeau signal est hissé à 6.30 et reste jusqu'à 9 pm pour obtenir la visite d'un docteur. Le 2 septembre à 12.30 pm reçu les pilotes à bord et fait route sur Nantes. Départ à 1:10 pm et à 6 pm les pilotes quittent le bord. Le 3 septembre marché à allure modérée et à 4.20 am arrêté pour attendre le jour.
A cette heure pendant notre attente pour passer entre Belle-Île, le steamer norvégien Setesdal passant de tribord à bâbord nous heurta à l'avant se faisant de sérieux dommages ainsi qu'à mon steamer. Mis les canots à la mer et à 6 am un bateau du Setesdal approcha de mon navire, bientôt un second et à 7.20 am fait route sur Nantes. Passant à l'intérieure de Belle-Île avec 9 hommes de l'équipage du Setesdal, le restant désirant rester à bord de leur bateau. Continué la route doucement à 8 pm: fait des signaux pour avoir l'assistance de Belle-Île à 9.5, attendu les pilotes qui viennent à bord.
A 4 pm. l'avant du navire faisant eau l'équipage pompe continuellement à 5.20 pm pour arrivé à Saint-Nazaire et à 6.20 monté à Nantes avec un remorqueur à l'avant et à 11.10 arrivé à Nantes et mis à quai.
Par suite du mauvais temps et de la fatigue du navire et également par suite des avaries causées par l'abordage du Sedestal, je crains des avaries à la cargaison. Malgré toutes les précautions prises tant par moi que par les hommes le mon équipage et je fais le présent rapport de mer pour sauvegarder les intérêts de qui de droit et je me réserve la faculté de l'amplifier si besoin est.
L D Planck Frank Carter F J Larsen

Voici la déclaration du second capitaine Christiansen du vapeur Setesdal, de Christiansand, jaugeant 882.75, monté de 18 hommes d'équipage :
Nous sommes partis de Newport pour Nantes avec une cargaison de charbon pour Mrs Begnos et Cie le vendredi 1er septembre 1916. Le navire était au départ en parfait état de navigabilité et muni de tous les agrès et de tout ce qui lui était nécessaire pour le voyage. Continué le voyage avec beau temps clair, vent de N.O., rien de particulier à signaler avant dimanche 3 septembre à 4h13 matin.
Moi capitaine en second je fus relevé sur la passerelle à 4h par le lieutenant Christensen. Je lui ai donné la route à suivre et lui ai fait connaître la position exacte du navire sur la carte. Je descendis ensuite pour avertir le capitaine qui était couché à ce moment. Je lui fis également connaître la position du navire. Il est à remarquer que lorsque j'ai quitté la passerelle il ne fut aperçu d'autres lumières que celles des phares sur Belle-Île 3 à 4 points sur le tribord avant et nos feux de position brillaient bien, soit le fanal de tête de mat, les deux fanaux de position et celui d'arrière. Voilà la situation avant la collision.
Le lieutenant me déclara qu'à 4h10 un feu blanc fut aperçu quatre points sur le tribord avant et qu'il supposait que c'était un navire qui gagnait sur lui, aussitôt le feu rouge du même navire fut aperçu. Il était alors trop tard pour amener le gouvernail à droite et passer à l'arrière et le gouvernail fut amené à gauche à fond. Le lieutenant donna le coup de main au timonier. En même deux coups de sirène brefs, deux fois de suite furent donnés par le capitaine qui à ce moment était monté sur la passerelle. Mais ce signal ne fut pas répondu par l'autre navire qui, quelques minutes, après enfonça sa proue dans notre côté bâbord, 3 pieds à l'avant de la poupe. A l'instant même on signale stop et arrière à pleine vitesse jusqu'à ce que le navire fut arrêté.
Telle fut la déclaration du lieutenant. Après avoir averti le capitaine j'allai me coucher et entendais quelques instants après que le gouvernail était ramené en plein dans le bord. J'entendis également le capitaine monter sur la passerelle, ainsi que deux coups brefs donnés deux fois de suite par la sirène, mais je n'écoutai aucune réponse de l'autre navire. A l'instant après je perçus un choc violent et le navire s'inclina de 3 à 4 pieds sur bâbord. Je sautais aussitôt sur le pont et couru à l'arrière jusqu'à l'endroit où le navire fut heurté pour me rendre compte de l'avarie. Je vis alors un trou de deux pieds et demi de profondeur dans le pont, 3 pieds en avant de la poupe. Tout l'équipage fut ordonné de joindre son poste respectif aux canots de sauvetage qui furent mis à l'eau et nous nous tînmes tous autour du navire pour voir le résultat. Le navire se trouvait alors tout le pont arrière sous l'eau et les panneaux flottaient tous à l'entour. Ensuite nous allâmes vers l'autre navire qui se trouvait être le vapeur anglais Woolston de Londres. La plus grande partie de l'équipage fut envoyé à bord de ce navire et le capitaine y monta en même temps. Moi-même je restai dans le canot de bâbord avec mes hommes. Le capitaine après avoir été un moment à bord du Woolston rejoignit mon canot et nous allâmes de nouveau vers le Setesdal qui flottait encore, mais se trouvait dans l'eau plus profondément. Le temps était clair avec une bonne vue mais la nuit était assez noire. Le capitaine et moi nous retournâmes à bord et ramenèrent quelques effets ainsi que des papiers du bord et les instruments que nous rapportâmes à bord du Woolston. Le capitaine était resté à bord jusqu'à notre retour. Il m'ordonna de retourner à nouveau sur la Woolston pour demander au capitaine anglais s'il voulait remorquer le Setesdal jusqu'à la côte intérieure de Belle-Île, mais le capitaine s'y refusa étant donné les grosses avaries qu'il avait subi lui-même. Je fus de nouveau renvoyé pour chercher les deux mécaniciens qui se trouvaient à bord du Woolston, je les fis descendre dans mon canot pour retourner à bord du Setesdal. Le capitaine leur demanda s'ils voulaient mettre la machine en mouvement, ce à quoi ils se refusèrent d'abord, mais ils descendirent ensuite avec le capitaine pour la faire marcher. Ensuite ils prirent le capitaine sous les bras pour le ramener sur le pont et après dans le canot, mais celui ci a protesté énergiquement et leur demanda de quoi ils avaient peur.
L'eau à ce moment passait par les hublots des machines donnant sur le pont arrière. Le capitaine monta sur la passerelle et fit signe avec la main. Nous avions avisé le capitaine que la direction du gouvernail était brisée et ne pouvait plus servir pour gouverner le navire. Celui-ci s'éloigna dans la direction N.E. et nous ne pouvions pas le suivre avec notre canot, même à la voile et à l'aviron. Mais nous nous tenions à l'arrière dans le sillage. La dernière chose que nous avons vu du capitaine c'est que le drapeau norvégien fut hissé sur le mat de pavillon arrière qui se trouvait 4 pieds au-dessus de l'eau. Ensuite nous vîmes deux pavillons de signaux qui furent également hissés sur la passerelle, mais nous ne pouvions pas en distinguer la nature, vu la distance et quelques minutes après nous vîmes le Setesdal s'enfoncer après une explosion. Il était 8.20. Nous étions à ce moment distant de la moitié d'un mille marin. Nous nous approchâmes de l'endroit et fîmes des recherches pendant quarante minutes dans toutes les directions, mais nous ne vîmes rien du capitaine, mais beaucoup d'épaves flotter tout autour. Lorsque le vent et la mer augmentèrent et que nous eûmes notre canot à moitié plein d'eau, nous nous décidâmes à chercher la terre et nous fûmes recueillis après par un bateau pilote, qui nous mit à terre sur Belle-Île. Il est remarquer que l'homme de vigie était posté sur la passerelle, comme d'habitude dans les eaux belligérantes.
C Christiansen Juul Pedersen K Svensson


Dans les jours qui suivirent la presse locale relatant le naufrage du Setestal, situait celui-ci à 6 milles de Belle-Île.
Le Woolston portant une déchirure en plein avant de plusieurs mètre devra subir de grosses réparations avant de reprendre la mer. Et c'est un pilote de Belle-Île, Onezime Picot qui remorqua les rescapés restés en mer, excepté le capitaine qui n'avait pas voulu quitter son bord ,il a coulé avec son navire, à Belle-Île.

Le capitaine se nommait A.E.KILDAL (Sources : LLOYD'S Register 1915-1916)


©André Meignen Donges


Sources : Fond marine , Archives du Tribunal de Commerce de Nantes, Phare de la Loire, Ouest Eclair, ADLA Nantes.
Peut-être il y a-il d'autres informations dans la presse morbihannaise de l'époque?
En cherchant bien, les archives nous en fournirons encore d'autres découvertes.


C'est mon petit cadeau de fin d'année et bonnes fêtes à tous.


Club de plongée CASCA La Baule.
http://plongee.casca.club.fr/present.htm

A+Ded.