Dimanche 24 octobre 2004. Nous venons de nous "poser" sur un fond de vingt-six mètres, dans la pénombre d'un désert froid. L'exercice commence ; je serre ma main gauche sur la bretelle de son gilet, je gonfle sa bouée. J'entends le bruit du jet d'air dans l'inflateur, je sens le plongeur en face de moi, commencer à devenir léger au bout de mon bras. J'arrête. Je gonfle ma bouée. Nos corps entrent en apesanteur. Nos jambes se déplient, puis seules le bout des palmes touchent encore le sol. J'ai arrêté de gonfler. Le fond s'éloigne. J'aime ce moment ; le décollage. Un décollage volontairement un peu lent pour encore mieux profiter de cette sensation indéfinissable. Tout devient léger et facile, le reste de l'humanité n'existe plus... 

Ses yeux expriment la confiance et la sérénité. Le défilement de l'eau sur moi se fait plus rapide, je vérifie : les micro-bulles vont un peu moins vite que nous. Il est trop léger au bout de mon bras. Je purge légèrement son gilet. 

Je lui parle, par signes ; tout va bien. Il observe et savoure. Les secondes passent dans ce décor fantasmagorique. La luminosité augmente. Les couleurs vont du noir profond au blanc bleuté en passant par quelques verts délavés. Je regarde vers le haut sans apercevoir la surface.

De nouveau une alerte, nous accélérons. Il se fait léger. Je purge sensiblement sa bouée et légèrement la mienne. De nouveau les petites bulles dansent autour de nous.

Cette fois la lumière devient presque vive. Nous commençons à apercevoir la surface : superbe miroir bleuté légèrement irisé. Je regarde mon ordinateur ; neuf mètres. Je purge un peu nos deux bouées, nous ralentissons. Six mètres. Je purge encore, ma bouée est vide. Je souffle. Je veux m'arrêter. Quatre mètres. Arrêt. Tour d'horizon rapide en l'agrippant à deux mains. Tout petit coup de palmes et poumons-ballast pour atteindre la surface, frontière des deux mondes...

Mitch.